L’ennui comme vertu politique

En résumé

La Suisse n’a pas une image particulièrement glamour: sérieuse, lente et légèrement ennuyeuse. Pourtant sa réussite est une évidence. Elle la doit à plusieurs éléments, dont sa science du consensus. Mais celle-ci s’émousse.

Qui, de ce côté-ci de la Sarine, ne s’est jamais enthousiasmé sur la faconde d’un politicien français? Il faut dire que le système politique d’alternance de notre voisin incite davantage au combat, puisqu’il relègue la minorité dans un rôle d’opposition pur et dur. En Suisse, le ton est plus discret. La multiplicité des langues, des cultures, des partis, et le système de démocratie semi-directe ne permettent à personne de composer une majorité à lui seul. Du coup, on doit se parler et construire des compromis. Cela prend du temps, d’où ce sentiment de lenteur. Les solutions trouvées sont rarement extrêmes mais c’est généralement du solide. Le fait est que notre système politique est l’une des composantes de notre compétitivité, et donc de notre prospérité. En tous cas jusqu’à aujourd’hui.

De nouveaux acteurs changent la donne politique

C’est peut-être en train de changer. L’avènement des réseaux sociaux et l’arrivée de nouveaux acteurs politiques, peu habitués à la politique du compromis, modifient les comportements des partis traditionnels. Dans un contexte devenu toujours plus concurrentiel, ces derniers privilégient leur survie, quoi qu’il en coûte. Et rien ne vaut un peu de démagogie pour se faire entendre dans un nouvel environnement. Ce nouveau contexte n’est pas favorable au compromis, peu vendeur d’un point de vue com’. Résultat: toujours plus de dossiers peinent à trouver une majorité large et sont attaqués par référendum.

La démagogie remplace le dialogue

Ce phénomène est inquiétant car la Suisse devra relever plusieurs défis cruciaux dans les années à venir. Sur le plan fiscal, notre petit pays sans ressources naturelles doit tout faire pour conserver son attractivité. Ses relations avec l’Union européenne doivent être renouée sous peine de total isolement. La prévoyance est mise en péril par la démographie. Tous ces dossiers sont fondamentaux pour la prospérité suisse et les conditions de vie des générations à venir. Pour aboutir, ils devront faire l’objet d’un consensus large. C’est loin d’être gagné. Le prochain défi sera consacré à la pérennité de notre système vieillesse, avec AVS21 dans un premier temps, puis LPP21 par la suite. Or il paraît aujourd’hui difficile de réunir les partis pour sauver ce système qui nous est pourtant largement envié. Apparemment, il semble devenir plus important de privilégier un succès électoral que d’assurer le succès du pays.