Clause de sauvegarde: à utiliser avec discernement
En résumé
Un taux de chômage suisse à 1,9% en octobre, 127’000 places vacantes au deuxième trimestre 2022, une pénurie de travailleurs qualifiés dans tous les secteurs qui menace le bon fonctionnement de l’économie suisse.
Réponse du Conseil fédéral? Réintroduire des contingents pour limiter la libre circulation avec la Croatie. Certes, le gouvernement fait ainsi usage de son droit d’activer la clause de sauvegarde prévue dans l’accord, puisque le nombre de travailleurs en provenance de Croatie a fortement dépassé les valeurs seuils.
Le Conseil fédéral indique souhaiter ainsi un meilleur contrôle de l’immigration dans le respect des besoins de l’économie. Or, les travailleurs croates sont essentiellement actifs en Suisse dans le secteur secondaire, l’industrie manufacturière et la construction ainsi que dans l’hôtellerie/restauration, le commerce et les agences de placement, qui sont tous des secteurs où règne une forte pénurie de main-d’œuvre. Nul doute qu’ils apprécieront le souci du Conseil fédéral de répondre à leurs besoins… Et que dire du contrôle de l’immigration? La Suisse a délivré quelque 2000 permis B en 2022 à des travailleurs croates. On est loin d’une invasion lorsqu’on met ce chiffre en perspective avec les plus de 5 millions d’emplois qu’offre l’économie suisse. Ou avec les 1’452’089 citoyens de l’UE/AELE et les 738’204 ressortissants d’États tiers qui résidaient en Suisse à fin 2021.
Cerise sur le gâteau, cette décision va certainement être appréciée à sa juste valeur à Bruxelles. Les Européens, préoccupés par des bruits de bottes à leurs frontières et confrontés à une situation économique difficile, devront puiser dans leur réserve de patience pour faire preuve de compréhension envers leur petit voisin, en bonne santé et bien à l’abri grâce à l’UE. La Suisse se caractérisait déjà par son immobilisme en matière de politique européenne. Espérons que cet épisode ne présage pas d’une dégradation de la situation.