Deuxième pilier, discriminatoire?
En résumé
Le deuxième pilier serait discriminant à l’égard des femmes. C’est ce qu’on comprend, entre les lignes, en lisant les titres des articles consacrés à un rapport, adopté mercredi 7 septembre par le Conseil fédéral, qui révèle l’écart de rentes entre les hommes et les femmes.
Alors qu’en termes d’AVS, les femmes sont un peu mieux loties que les hommes – fait intéressant dans le cadre de la campagne AVS21 qui fait rage sur l’harmonisation de l’âge de retraite entre femmes et hommes à 65 ans et qui bat en brèche un des arguments de la gauche, qui veut faire croire que les femmes ont des rentes AVS plus basses que les hommes – ce n’est pas le cas dans le deuxième pilier. Non seulement les femmes ne sont que 49,7% à toucher une rente LPP (chiffres 2020) contre 70,6% des hommes, mais en plus, son montant est inférieur de 47%.
Discrimination? Non. Le deuxième pilier, aussi appelé prévoyance professionnelle, est lié à l’activité professionnelle. Que l’on soit un homme ou une femme, on y cotise uniquement si on remplit certains critères (salaire, durée contractuelle, etc.). Les personnes qui arrêtent volontairement de travailler, quelle qu’en soit la raison, ne cotisent donc plus au deuxième pilier. Le montant de la rente reflète l’évolution de celle-ci sur toute la période de cotisation – soit jusqu’à l’âge de la retraite. Il est ainsi directement lié au salaire. Là est la source de la prétendue discrimination à l’égard des femmes, qui tient plutôt de l’évolution de la vie professionnelle que du genre. A cet égard, le système actuel doit être amélioré, notamment en lien avec les salaires modestes, l’activité à temps partiel ou la pluriactivité étant des réalités qui touchent davantage les femmes.
Pourquoi ces formes de travail sont-elles moins bien loties dans le deuxième pilier? L’objectif de la prévoyance vieillesse est de couvrir les besoins vitaux avec le 1er pilier (AVS) et de maintenir le niveau de vie antérieur grâce au deuxième pilier. Les rentes cumulées des deux assurances doivent permettre aux retraités d’atteindre au moins 60% du dernier salaire. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle fixe un revenu minimal pour entrer dans le système du deuxième pilier, soit un salaire AVS supérieur à 21’510 francs en 2022 auprès d’un seul employeur. Ce seuil est rédhibitoire pour les personnes qui ne l’atteignent pas, soit parce qu’elles travaillent pour plusieurs employeurs (pluriactivité) pour des salaires moins élevés que cette somme-là – même si, cumulés, ils dépassent ce seuil – soit pour celles qui travaillent à temps partiel pour un salaire en-dessous de cette limite.
De plus, la déduction de coordination dans le deuxième pilier, qui implique qu’employeur et employé ne cotisent pas sur les premiers 25’095 francs de salaire, est une pierre d’achoppement additionnelle. Cela dit, certaines caisses de pension, comme la CIEPP, la caisse de deuxième pilier de la FER Genève, proposent des solutions pour pallier ces problèmes et s’adaptent ainsi à des modes de travail plus flexibles, en attendant une solution constructive sur le plan politique.
La réforme du deuxième pilier actuellement en discussion au niveau fédéral sera cruciale pour mieux prendre en compte le travail à temps partiel et la pluriactivité qui, offrant une certaine souplesse, sont en train de gagner du terrain, comme l’ont montré les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique. La part des femmes travaillant à temps partiel est passée de 49% en 1991 à 59% en 2021. Chez les hommes, le taux a plus que doublé en passant de 8% à 18%. La tendance est nette. Il est temps que le législateur adapte les normes à cette réalité.