Les PME traquent les talents dans un contexte toujours plus concurrentiel et imprévisible
En résumé
Est-il plus difficile de dénicher la perle rare lorsqu’on est une entreprise de taille modeste et que l’on doit se confronter à des concurrents plus puissants? Ceux-ci, en effet, disposent de moyens pour identifier, recruter et, si possible, fidéliser les talents. Or, face à la pénurie de main-d’oeuvre, nous pourrions assister à une surenchère qui serait problématique pour les PME. Les enquêtes d’opinion réalisées auprès de leurs dirigeants indiquent qu’ils sont conscients de ce risque. Tous n’en souffrent pas au même niveau, certains tirant leur épingle du jeu par leurs atouts. Par exemple, lorsqu’ils misent sur les avantages propres à une structure plane et souple ou s’ils proposent d’autres formes d’avantages. L’horizon reste toutefois moins dégagé pour les PME qui sont actives dans les secteurs déjà sous tension. Enfin, la période actuelle renforce les inconnues, ce qui complique la tâche des employeurs pour leurs futurs recrutements.
Pour de nombreux économistes, dont l’équipe de Credit Suisse qui a réalisé son enquête annuelle sur la politique de ressources humaines des PME1, il est aujourd’hui plus difficile que par le passé pour leurs dirigeants de recruter. D’après deux tiers des sondés, la situation est difficile et devrait encore se compliquer à l’avenir: ils tentent néanmoins d’y faire face en renforçant par exemple certaines offres de formation ou d’évolution pour leurs candidats.
L’étude de Credit Suisse relève que deux ans de pandémie ont augmenté les exigences de flexibilité, après avoir connu une conjoncture en montagnes russes. A l’effondrement de postes vacants au premier semestre 2020 a succédé un effet de rebond entraînant des besoins massifs de personnel. Fin 2021, l’indicateur de l’Office fédéral de la statistique sur le recrutement a ainsi atteint son plus haut niveau depuis 2008. Comme on peut s’y attendre, l’économie manque de professionnels avec un haut niveau de qualification. Certains secteurs, comme l’informatique, l’industrie de transformation, l’hôtellerie-restauration ou la santé sont encore plus touchés. La pénurie concerne des professionnels ayant un certain degré de technicité, typiquement des chefs qualifiés en restauration. Le manque d’attractivité salariale de certains métiers a accéléré la migration vers d’autres métiers à la suite de la période de chômage liée à la pandémie. Les PME, de leur côté, se voient confrontées à des besoins spécifiques: elles peinent à trouver du personnel ayant des compétences de conduite et de gestion de projet, ainsi que des compétences techniques. Cela à divers degrés selon la branche.
LES JEUNES ONT DES EXIGENCES DIFFÉRENTES
Une autre enquête, menée par Jobcloud2 en automne 2021, montre que, du point de vue des demandeurs d’emploi, les PME sont globalement perçues de manière plus positive que les grandes entités. Un résultat qui peut sembler contradictoire avec l’enquête de Credit Suisse.
En effet, 53% de la population active âgée de 16 ans à 60 ans aimeraient travailler dans une PME (jusqu’à deux cent cinquante postes). Seuls 11% désireraient être embauchés par une grande entreprise. Cette tendance est très marquée chez les personnes âgées entre 16 ans et 24 ans, puisque 36% d’entre elles aimeraient travailler dans une entreprise de moins de cinquante employés.
La génération Y attend en effet davantage que les précédentes un engagement responsable ou éthique de la part de leur employeur (lire témoignage cidessous). C’est pourquoi certaines PME ou start-up peuvent profiter d’une bonne réputation. Rebekka Hänggi, marketing manager chez Jobcloud, le confirme indirectement: «Les PME sont plus flexibles que les multinationales en termes de définition de postes. Elles n’ont pas d’échelles prédéfinies pour les salaires, les bonus, les congés ou les remplacements. Il est ainsi plus facile pour un collaborateur de s’essayer à des tâches qui ne sont pas dans son cahier des charges. Le défi en devient plus intéressant. Ces côtés plus coopératifs, ainsi que les horaires flexibles et l’ambiance plaisent aussi davantage à la génération des milléniaux», résume-t-elle.
La guerre en Europe pourrait toutefois influencer la situation: «Les conséquences en termes de renchérissement de l’énergie et de difficultés d’approvisionnement auront un impact négatif sur la croissance en Suisse», concède Sara Carnazzi Weber, cheffe économiste à Credit Suisse, qui ne voit pas encore de péril en la matière. «Même avec une croissance de l’emploi moins dynamique, cela ne me semble pas suffisant pour un retournement de tendance au niveau de la disponibilité de talents. L’évolution de l’immigration en Suisse va aussi jouer un rôle qu’il faudra prendre en compte, mais, à l’heure actuelle, il est encore trop tôt pour tenter une prévision », conclut-elle.
1 Enquête annuelle de Credit Suisse menée auprès de huit cents PME. Développement du personnel en temps de pénurie/février 2022.
2JobCloud est tête de file des acteurs du placement en ligne. Son enquête annuelle se fonde sur les réponses de mille trois cents personnes en recherche active ou passive d’emploi en Suisse.