Les PME suisses privilégient l’autofinancement

En résumé

La majorité des PME suisses continue à fonctionner sans crédit bancaire, à l’exception des crédits Covid. L’utilisation du leasing et du crédit fournisseurs sont en hausse.

Malgré l’engouement médiatique pour le crowdfunding, l’immense majorité des PME continue à se financer par les moyens traditionnels (hors crédits Covid). L’autofinancement reste même la première source de fonds, montre l’Etude sur le financement des PME en Suisse en 2021, élaboré par la Haute Ecole de Lucerne sur mandat du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). C’est notamment le cas pour les petites entreprises. A mesure qu’elles croissent, elles ont de plus en plus recours aux fonds extérieurs. «De nombreux propriétaires de PME ont tendance à jouer avec leur rémunération en cas de difficulté», remarque Jérôme Favoulet, fondateur de la société de conseils aux entreprises Jetco. «Lorsqu’il faut remettre des fonds, ils le font en priorité avec leur propre patrimoine, par exemple en vendant leur résidence secondaire ou des objets de valeur.» Les marges sont également réinvesties plutôt que distribuées – à Genève, 63% des entreprises ne déclarent pas de bénéfice.

AVANTAGES

L’autofinancement, pour une petite entreprise, a en effet beaucoup d’avantages. Il permet de garder le contrôle total de sa société. «Il met aussi à l’abri des mauvaises surprises, comme un changement de politique ou une hausse des taux», note Patrick Schefer, directeur de la Fondation d’aide aux entreprises du canton de Genève. «La plupart du temps, les entrepreneurs ne s’accordent pas de taux d’intérêt, ce qui rend l’autofinancement moins cher», ajoute Jérôme Favoulet. Enfin, il permet de ne pas avoir à suivre trop strictement un calendrier de remboursement. Il peut en revanche s’avérer préjudiciable s’il conduit à renoncer à des projets en raison de fonds insuffisants. De plus, le regard extérieur d’un investisseur ou d’un créancier est parfois utile.

CRÉDITS COVID

En 2016, 62% des PME recouraient exclusivement à l’autofinancement. Ce chiffre a diminué à 37% avec la pandémie. Une grande partie de cette différence vient des crédits Covid – pour 16% d’entre elles, ils constituent l’unique source de financement extérieur. «Des entreprises qui ne les ont pas utilisés les conservent comme une réserve de liquidités», observe Claude Bagnoud, chef Financements PME et indépendants à la Banque cantonale de Genève. «Cela leur revient moins cher qu’une ligne de crédit.» Parmi les sources de financement extérieures, le crédit bancaire reste relativement stable (lire ci-dessous). Le crédit fournisseur et le leasing, en revanche, ont gagné en importance.

CRÉDIT FOURNISSEUR

Le crédit fournisseur consiste à profiter des délais de règlement des factures ou à retarder ses paiements au-delà. Les difficultés dues au Covid, à la perturbation des chaînes logistiques et à la guerre en Ukraine poussent des entreprises à payer leurs fournisseurs plus tard, même si ceux-ci n’ont pas formellement augmenté leurs délais de paiement. «Plutôt que de régler les factures dès réception, on les met sur une pile et on paie ce que l’on peut à la fin du mois», résume Patrick Schefer. L’allongement des délais pose un problème à de nombreux fournisseurs. Il peut leur causer des problèmes de liquidités, et les pousser à retarder leurs propres paiements, dans un effet domino. Ces retards constitueraient même une menace existentielle pour un gros tiers d’entre eux, selon le sondage 2021 de l’entreprise de recouvrement Intrum Justitia. «Trop d’entreprises prennent leurs fournisseurs pour des banques», regrette Antoine Fatio, directeur de la Fondetec, l’organisme de soutien aux entreprises de la Ville de Genève. «Plutôt que de laisser traîner ses factures, il vaut mieux aller voir ses fournisseurs et leur demander s’il est possible d’échelonner les paiements.»

PÉNALITÉS

Retarder les délais de paiement n’est d’ailleurs pas toujours une bonne affaire, car cela peut donner lieu à des pénalités. «Celui qui ne paie sa facture qu’après trente jours (au lieu de dix jours, avec 3% d’escompte) accepte de payer un intérêt annuel de 54%», remarque le Portail PME de la Confédération. Un pourcentage à comparer avec les quelques pourcents d’intérêt annuel prélevés pour une ligne de crédit (lire ci-dessous). Il convient donc de bien calculer avant de se reposer sur les crédits fournisseurs. Près d’une PME sur quatre se procure également des biens et équipements par le biais du leasing – une proportion qui a augmenté par rapport à l’avantpandémie. Les sommes en jeu sont cependant faibles, dans l’immense majorité des cas. La formule est avant tout utilisée pour financer des voitures (63% des bénéficiaires), des véhicules utilitaires (38%) et du matériel bureautique.

GARANTIE

La formule convient bien aux entreprises qui ne disposent pas de beaucoup de fonds propres et peuvent difficilement prétendre au crédit bancaire. «Le risque est moins élevé pour le prêteur, car la machine ou l’équipement faisant l’objet du leasing peut servir de garantie», explique Patrick Schefer. Le leasing coûte cependant généralement plus cher qu’un prêt bancaire. Il peut également receler des pièges. Les contrats prévoient souvent la possibilité d’acquérir l’équipement au terme du contrat. «Il peut arriver que ce prix de rachat soit exorbitant», prévient Jérôme Favoulet. «De plus, il faut faire très attention aux conditions du contrat: que se passe-t-il si l’équipement tombe en panne? Le remplacera-t-on? Dois-je continuer à payer pendant la période où il est indisponible?» Comme les contrats d’assurances, les contrats de leasing doivent donc être soigneusement examinés avant signature. „