L’avenir de l’AVS passe par une indispensable réforme structurelle et par un double «oui»

En résumé

Les votations fédérales du 25 septembre 2022 permettront de dire oui à une réforme qui consolidera le dispositif de prévoyance vieillesse présent en Suisse. Ce dispositif représente une construction sociale essentielle qui existe depuis plus de septante ans et qu’il faut consolider. La loi sur l’Assurance vieillesse et survivants (AVS) est en effet entrée en vigueur le 1er janvier 1948. Fruit d’une évolution sociétale débutée au XIXème siècle, elle est devenue au fil des ans une branche majeure du système suisse d’assurances sociales, presque une composante de l’identité nationale. Les hommes et les femmes du pays, une fois qu’ils ont atteint un âge fixé par la loi, reçoivent des rentes qui doivent permettre, pour chaque personne assurée, de se retirer de la vie professionnelle en garantissant, pour chacun et chacune et avec le complément de la prévoyance professionnelle, la sécurité matérielle pendant toute la durée de la retraite. Ce sys- tème, symbole de la solidarité nationale, demeure économiquement fragile. Pour assurer sa continuité à moyen terme, la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21), sur laquelle la population se prononcera le mois prochain, a pour objectif de garantir son financement dans la décennie à venir tout en maintenant le niveau des rentes. 
 

La réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) est constituée de deux objets au menu des votations du 25 septembre. Le premier consiste à augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour financer l’AVS. Cela implique une révision de la Constitution. Le second vise à adapter les prestations de l’AVS, et ce en actionnant plusieurs changements: une harmonisation de l’âge de référence de départ à la retraite à 65 ans pour les femmes et les hommes, – avec des mesures transitoires pour les femmes les plus directement concernées par les modifications, soit celles nées entre 1960 et 1969 (et ce pour une entrée en vigueur de la réforme en 2024) –, une flexibilisation de cet âge d’entrée dans l’AVS pour toutes et tous et des incitations à poursuivre une activité lucrative après 65 ans. Les deux objets soumis au vote sont liés: si l’un d’eux est rejeté, c’est toute la réforme qui échoue.

«L’objectif est de maintenir pendant dix ans au moins les prestations offertes à la population, tout en conservant l’équilibre financier du premier pilier, socle de la prévoyance vieillesse dans notre pays», commentent, en substance, les partisans d’AVS 21.

Pourquoi est-il urgent d’agir? Parce que l’espérance de vie des personnes à la retraite – de plus en plus nombreuses avec le départ de la vie professionnelle de toute la génération du babyboom – augmente. Or, l’AVS est financée selon un système qui fonctionne par répartition. Autrement dit, les actifs financent les rentes des retraités actuels – 2,6 millions de personnes – par des prélèvements sur les revenus. Structurellement, le système tend vers un déficit financier important, même si cette réalité n’est pas encore observable (les comptes positifs de l’AVS l’année dernière – les recettes de l’assurance moins ses dépenses courantes – sont ainsi trompeurs). Il faut anticiper pour éviter le pire. Le pire? C’est l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) qui l’annonce.

«En l’absence de mesure corrective, le résultat de répartition de l’AVS sera (…) négatif à partir de 2025. (…) De 2025 à 2032, le déficit de répartition de l’AVS totalisera environ 18 milliards de francs selon les perspectives financières actuelles. En tenant compte des excédents des années 2023 et 2024, le résultat de répartition cumulé pour les dix prochaines années (de 2023 à 2032) s’établit à -15,9 milliards de francs.»

«UN COMPROMIS ÉQUILIBRÉ»

Le Conseil fédéral confirme que, pour lui, la réforme permettra de stabiliser les finances de l’AVS pendant environ dix ans et de garantir les rentes à leur niveau actuel. En outre, il souligne que «l’alignement de l’âge de référence des femmes sur celui des hommes est justifié. Les femmes sont aujourd’hui mieux formées que par le passé, elles exercent pour la plupart une activité lucrative et vivent plus longtemps que les hommes. Les mesures de compensation permettront d’atténuer les conséquences de la réforme pour les femmes proches de l’âge de la retraite. Près d’un tiers des économies réalisées grâce à la réforme sera ainsi redistribué aux femmes».

Ces paroles rejoignent celle de l’ancien Conseiller fédéral Pascal Couchepin: «J’ai bon espoir que, cette fois, cela passe. Pour les adversaires, il est quand même compliqué de lutter contre l’égalité hommes-femmes. Or, cette réforme va clairement dans ce sens-là». L’actuel Conseiller fédéral Alain Berset assure que «la réforme est nécessaire».

La flexibilisation du départ à la retraite? Le Conseil fédéral note, d’une façon indirecte, qu’il s’agit d’une demande de la société, d’une adaptation à des rythmes de vie qui ont changé au fil des décennies. «De nombreux travailleurs âgés souhaiteraient pouvoir réduire progressivement leur activité lucrative. AVS 21 répond à ce besoin: la rente pourra commencer à être perçue à partir de n’importe quel mois entre 63 ans et 70 ans, et il sera désormais possible de n’anticiper qu’une partie de la rente. Tout comme le nouvel âge de référence fixé à 65 ans, cette plus grande flexibilité s’appliquera également à la prévoyance professionnelle.

La réforme incite en outre à poursuivre une activité lucrative après 65 ans. Les personnes qui continuent de travailler et de cotiser après l’âge de référence pourront ainsi améliorer leur rente AVS, pour autant que cette dernière n’atteigne pas le montant maximal de 2390 francs (3585 francs pour les couples).» Finalement, pour le Conseil fédéral, «la réforme AVS 21 est un compromis équilibré entre hausse des recettes et économies. (…) Aucune réforme majeure de l’AVS n’a abouti au cours des vingt-cinq dernières années. Plus le statu quo se prolonge, plus les générations futures devront payer cher pour rétablir l’équilibre des finances de l’assurance et garantir les rentes».


Des mesures compensatoires importantes pour les femmes

L’harmonisation de l’âge de référence à 65 ans pour le départ à la retraite des hommes et des femmes constitue un processus graduel. Des mesures de compensation seront ainsi mises en place pour la génération de femmes (1961- 1969; dans le cas où la réforme entrerait en vigueur en 2024) la plus proche de la retraite au moment de l’entrée en vigueur de la réforme. Environ un tiers des économies réalisées par le relèvement de l’âge de la retraite sera utilisé pour financer ces mesures, soit 608 millions de francs en 2032 (2,7 milliards de francs sur la période 2024-2032).

Les femmes de la «génération transitoire» qui décident de ne pas anticiper leur rente de vieillesse recevront un supplément mensuel de rente AVS à vie, qui dépend de leur revenu et de leur année de naissance. Ce montant peut atteindre jusqu’à 160 francs par mois pour les revenus les plus modestes. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les femmes mariées et n’est pas pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires.


Davantage de flexibilité

Aujourd’hui, les personnes qui veulent prendre une retraite anticipée ne peuvent commencer à percevoir leur rente AVS qu’à deux moments: soit un an, soit deux ans avant l’âge de la retraite. De plus, elles sont obligées d’anticiper la totalité de leur rente. AVS 21 permettra plus de flexibilité: la rente pourra commencer à être perçue à partir de n’importe quel mois entre 63 ans et 70 ans, et il sera possible de n’anticiper qu’une partie de la rente.

Cela permet, par exemple, de réduire le temps de travail et de compenser le revenu perdu par une partie de rente AVS. Ce mécanisme, pour celles et ceux qui le souhaitent, pourra s’appliquer à deux reprises entre 63 ans et 70 ans. Il deviendra ainsi plus facile de quitter progressivement la vie active. Tout comme le nouvel âge de référence de 65 ans – l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction et sans supplément –, cette plus grande flexibilité et la possibilité de toucher une rente partielle s’appliqueront également à la prévoyance professionnelle.

Pour le Conseil fédéral, la réforme permettra aussi à de nombreuses personnes d’améliorer leur rente AVS (jusqu’au montant maximal) en continuant de travailler au-delà de l’âge de référence, avec une prise en compte des cotisations AVS payées après l’âge de référence, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. «Elles pourront ainsi combler d’éventuelles lacunes de cotisation. Cette incitation à travailler plus longtemps sera bénéfique non seulement pour les assurés, mais aussi pour l’économie, qui a un urgent besoin de maind’œuvre qualifiée».


Bref historique des réformes de l’AVS depuis 1948

Un quart de siècle. Cela fait vingt-cinq ans que les tentatives de réformer l’AVS échouent. Et pourtant, les problèmes de financement à long terme du premier pilier demeurent. Le Conseil fédéral rappelle que «la dernière réforme substantielle remonte à 1997. Depuis, plusieurs projets ont été rejetés, soit au parlement, soit en votation populaire. Le seul qui ait été accepté est le projet de réforme fiscale et de financement de l’AVS (RFFA), en mai 2019, qui a permis d’augmenter les cotisations salariales à l’AVS et la contribution de la Confédération. Grâce à RFFA, l’AVS reçoit quelque deux milliards de francs de plus par année depuis 2020. Ce montant n’est cependant pas suffisant pour stabiliser ses finances à plus long terme».

De son côté, le Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) note que «depuis sa création (en 1948), l’AVS s’est trouvée à plusieurs reprises au centre du débat politique. Sans compter des modifications mineures, la loi n’a connu pas moins de dix révisions». Les quatre premières ont lieu dans les années 1950 et consistent notamment à augmenter des rentes insuffisantes. Quatre nouvelles révisions (1961, 1963, 1968, 1972) modifient, notamment, le calcul du montant des revenus assurés. Le DHS signale que «lors des septième et huitième révisions, il fallut pour la première fois augmenter les taux des cotisations». La neuvième révision de 1977 renonça pour sa part, et pour la première fois, «à augmenter les prestations pour mieux les consolider».

La dixième révision en 1997? La 10ème révision en 1997? Elle vint améliorer la situation des femmes grâce à plusieurs dispositifs: l’introduction d’un droit à la rente pour toutes les femmes, le splitting (principe selon lequel, lors du calcul des rentes vieillesse, les revenus réalisés par les deux époux pendant les années de mariage sont divisés et leur sont attribués à chacun pour moitié), les bonifications pour tâches éducatives ou d’assistance. «Mais du même coup, (les femmes) voyaient leur retraite retardée à 64 ans (mesure effective dès 2005). Vu leur espérance de vie plus longue et leur entrée en retraite plus précoce, les femmes, qui représentaient à l’origine la moitié des rentiers de l’AVS, en forment actuellement les deux tiers.» Ce dernier point est à souligner, car il montre que l’AVS reste très favorable aux femmes, qui touchent la majorité des prestations, mais ne versent qu’environ un tiers des cotisations.