Le financement des soins doit être réformé

En résumé

Plus on réalise d’opérations ambulatoires, qui coûtent moins cher que les opérations stationnaires, plus les primes maladies augmentent. Une absurdité que le parlement aimerait corriger. Les Etats généraux de la santé, à Genève, se sont penchés sur le sujet.

S’il fallait décerner un prix à la caractéristique la plus absurde du système de santé suisse, le financement des opérations chirurgicales serait certainement candidat. Plus on les réalise en ambulatoire, un mode d’intervention qui coûte moins cher, plus les primes maladies augmentent. La faute à un système de financement inadapté. Les interventions ambulatoires sont celles dans le cadre desquelles le patient n’a pas besoin de passer une nuit à l’hôpital (dans le cas contraire, on parle d’interventions stationnaires). Opérer une hernie inguinale coûte 3032 francs en ambulatoire et 4760 francs en stationnaire. On aurait donc intérêt à réaliser un maximum d’opérations en ambulatoire, afin de faire baisser les coûts de la santé. Le hic, c’est que les deux modes d’intervention ne sont pas financés de la même manière.

QUI PAIE QUOI

Les cantons prennent en charge 55% du coût des interventions stationnaires, le reste étant payé par les caisses-maladie, alors que les interventions ambulatoires sont entièrement à leur charge. Dans le cas de l’opération d’une hernie inguinale, celles-ci doivent donc payer 2142 francs pour une opération en stationnaire et 3032 francs pour une opération en ambulatoire, pourtant moins chère à la base. Bref, plus on favorise les opérations en ambulatoire, plus les coûts globaux diminuent, mais plus les primes d’assurance-maladie augmentent. Le problème est connu depuis longtemps. Les Chambres fédérales travaillent à une refonte du système (et ce depuis 2009!). Il s’agirait de financer toutes les opérations de la même manière, qu’elles soient ambulatoires ou stationnaires – c’est ce qu’on appelle financement uniforme, ou moniste en jargon fédéral. Qu’une opération soit stationnaire ou ambulatoire, la facture serait partagée exactement de la même manière: 25,5% du total pour le canton et le reste pour la caisse-maladie. Transférer des interventions du stationnaire vers l’ambulatoire contribuerait alors à faire baisser aussi bien les coûts globaux que les primes.

LARGE SOUTIEN

La proposition est appuyée aussi bien par les caissesmaladie que par les hôpitaux, les médecins et les défenseurs des consommateurs. Les cantons, cependant, s’y opposent en l’état. S’il faut partager, partageons tout, disent-ils en substance. Ils demandent donc qu’on inclue dans la réforme les coûts des soins (en EMS, à domicile, etc.), qu’ils assument en grande partie seuls. La Confédération est d’accord sur le principe, mais suggère de le faire dans un deuxième temps, afin d’avoir le temps de se préparer. La proposition a été examinée par les Etats généraux de la santé, une manifestation annuelle qui s’est tenue à Genève le 13 octobre. Elle a réuni une quarantaine de partenaires du domaine, issus de différents horizons, pour réfléchir à des questions d’intérêt général et formuler des propositions. Un atelier a conclu qu’il fallait intégrer les soins à domicile et en EMS dans la réforme dès la première phase.

DES COÛTS POUR LE CANTON

Combien cela coûterait-il au canton? A Genève, l’ambulatoire est plus développé qu’ailleurs, et le canton a donc moins à débourser que la moyenne pour les opérations stationnaires. Toutes choses égales par ailleurs, il perdrait donc 92,2 millions de francs dans le changement de système. Les soins à domicile et en EMS sont en revanche particulièrement développés. Partager ce type de coûts avec les caisses maladie permettrait au canton d’économiser 57,7 millions de francs. Le surcoût global, pour lui, serait ainsi réduit à 34,5 millions. Il ne s’agit cependant que de calculs statiques. «Le financement uniforme ouvre aussi la porte à des modèles innovants de prise en charge des patients, comme les soins coordonnés ou intégrés», affirme le médecin et conseiller national Michel Matter (PVL/GE). «Une prise en charge adéquate au bon moment et avec des résultats de qualité permet de limiter les complications pour le patient et les coûts qui leurs sont associés.» Bref, ce que le canton perd d’un côté pourrait être récupéré de l’autre.

NOUVEAU CENTRE

Le dossier est actuellement à l’étude au Conseil des Etats. Les acteurs du système de santé genevois n’ont cependant pas attendu l’entrée en vigueur de la réforme pour continuer à promouvoir l’ambulatoire. Un centre permettant de réaliser de quinze à seize mille opérations ambulatoires par an est en construction non loin de l’hôpital cantonal. Particularité: il a été lancé en partenariat par le public (les Hôpitaux universitaires de Genève) et le privé (le groupe Hirslanden).