Les enjeux

Le système fiscal contribue largement au succès de la place économique suisse et à la bonne santé des finances publiques. Cette situation n’est toutefois pas immuable au vu de l’évolution du contexte international et de son impact sur la Suisse. Au plan cantonal, il convient d’agir notamment au niveau de l’imposition de l’outil de travail.
Une réforme majeure du système fiscal international est mise en œuvre sous l’impulsion de l’OCDE et du G20, dans une volonté de réduire la concurrence fiscale entre les États. Le projet s’articule autour de deux piliers: le premier prévoit un transfert des droits d’imposition vers les États du marché (imposition dans les pays où se trouvent les consommateurs); le second, qui est le plus avancé, instaure une imposition minimale de 15% pour les entreprises internationales dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros. Si un groupe d’entreprises paie un impôt moins élevé dans un pays, d'autres pays pourront lui demander de s'acquitter d'un impôt complémentaire jusqu'à ce que le taux d'imposition de 15% soit atteint. Pour la Suisse, qui accueille de nombreuses entreprises internationales, l’enjeu est de conserver les recettes fiscales supplémentaires que générera cette imposition, et de protéger les entreprises de procédures et de taxations supplémentaires à l’étranger. En juin 2023, les Suisses ont plébiscité à 78,5% le projet de mise en œuvre de l’imposition particulière des grands groupes d’entreprises qui a nécessité une modification de la Constitution. Le 22 décembre 2023, le Conseil fédéral a décidé d’introduire l’imposition minimale en Suisse au 1er janvier 2024 au moyen d’un impôt complémentaire national. Il décidera de l’introduction ou non de l’impôt complémentaire international avant la fin de l’année 2024. Le Conseil fédéral disposera de six ans pour présenter au Parlement une loi fédérale pour remplacer l’ordonnance de mise en oeuvre. L’impôt complémentaire comblera l'écart entre le taux d'imposition effectif dans un canton et le taux d'imposition de 15%. Les recettes seront réparties entre les cantons concernés (75%) et la Confédération (25%). Comme ce projet pose de nouveaux défis en matière de promotion de la place économique, ces ressources supplémentaires devront être utilisées prioritairement pour maintenir l'attractivité de la place économique.
A cet enjeu fondamental pour l’avenir de la place économique suisse s’ajoutent d’autres projets de réformes fiscales. La Suisse est une puissance maritime de premier plan, malgré sa situation géographique. Outre la flotte suisse de haute mer, notre pays abrite de nombreuses entreprises de navigation maritime actives au niveau international. Le développement de ce secteur a un fort impact sur l’ensemble de l’économie. Pour répondre à la mise en place, par les places économiques concurrentes, de régimes fiscaux spécifiques au secteur maritime, un projet de loi fédérale sur une taxe au tonnage est en discussion au parlement. Il est proposé que les bénéfices provenant de l'exploitation de navires de mer puissent à l'avenir être imposés de manière forfaitaire à partir de la jauge nette (capacité de chargement) des navires. Le Conseil national a adopté le projet avec modifications lors de la session d'hiver 2022. Les délibérations sont en cours auprès de la commission de l’économie et des redevances du Conseil des États, qui a demandé à l’administration de procéder à des clarifications.
S’agissant de l’imposition de la valeur locative (imposition d’un revenu fictif), le système actuel est contesté depuis plusieurs années. Le Conseil des États a adopté une révision prévoyant un changement partiel de système, selon lequel les logements occupés par leur propriétaire comme domicile principal ne seront plus soumis à la valeur locative. Il présente en corollaire la non-déductibilité des frais d'entretien des immeubles concernés. Le projet prévoit par ailleurs que les intérêts passifs privés doivent continuer à être déductibles à concurrence toutefois de 70% du rendement imposable de la fortune. Le Conseil national a adopté en juin 2023 le projet avec des divergences qui portent sur les résidences secondaires et sur la déduction des intérêts passifs. La valeur locative est supprimée, y compris pour les résidences secondaires. En contrepartie, les frais d'entretien ne sont plus déductibles et les intérêts passifs plus que partiellement. Lors de la session d’hiver 2023, le Conseil des Etats a refusé de suivre les propositions du Conseil national. Le traitement de l’objet se poursuit au parlement.
L’imposition des personnes physiques est aussi en débat. Le Conseil fédéral adoptera en 2024 le message relatif à l’initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l’état civil (initiative pour des impôts équitables)» et à son contre-projet indirect (loi fédérale sur l’imposition individuelle). Ce texte prévoit que le revenu et la fortune de chaque adulte seront imposés de manière distincte, indépendamment de leur état civil. Au vu des besoins en main-d’œuvre qualifiée, notre Fédération soutient un modèle fiscal qui augmente au maximum les incitations à exercer une activité professionnelle. L’imposition individuelle devrait favoriser une hausse de la participation des femmes en particulier au marché du travail. Si elle semble être une proposition intéressante pour répondre à cet objectif, il convient de prendre en considération plusieurs questions ouvertes concernant la charge administrative, l’impact sur les cantons ou d’éventuelles nouvelles inégalités fiscales.
Le Conseil fédéral adoptera aussi au premier semestre 2024 le message relatif à la loi fédérale sur l’imposition du travail mobile dans le contexte international. En vue de la mise en œuvre de l’avenant à la convention de double imposition entre la Suisse et la France concernant l’imposition du télétravail, une norme explicite sera créée dans le droit national afin de garantir l’imposition en Suisse des revenus de l’activité́ lucrative réalisés en télétravail depuis l’étranger. Cette proposition permet à la Suisse de perdre le moins possible de recettes fiscales dans le cadre du télétravail et garantit aux entreprises de pouvoir bénéficier de prévisibilité et de sécurité juridique sur le long terme.
Au niveau cantonal, la fiscalité a occupé le terrain politique en 2023 avec de nombreux objets en votation. Deux initiatives qui auraient fortement pénalisé les entrepreneurs ont été refusées, soit l’initiative populaire 179 « Contre le virus des inégalités… Résistons ! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires » et l’initiative 185 « Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes ». La population a accepté le projet de loi sur les estimations fiscales de certains immeubles. Alors que Genève pratiquait des hausses linéaires périodiques de la valeur fiscale des immeubles occupés par leurs propriétaires, cette valeur sera dorénavant indexée systématiquement chaque année à l’indice genevois à la consommation, l’indexation ne pouvant toutefois pas excéder 1% par an. Afin d’éviter que l’augmentation de la valeur fiscale des immeubles conduise à un prélèvement d’impôt sur la fortune des propriétaires trop important, la loi comprend une diminution de l’impôt immobilier complémentaire. Il est par ailleurs prévu une hausse raisonnable de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers. Enfin, il est prévu une mesure générale de baisse de l’impôt sur la fortune pour tous les contribuables, qu’ils soient propriétaires immobiliers ou non. Un recours a toutefois été déposé contre cette loi.
Le Grand Conseil a adopté au printemps 2023 un contre-projet à l’initiative populaire cantonale 183 « Pour l’abolition de la taxe professionnelle ». La taxe professionnelle communale (TPC) est un prélèvement fiscal spécifique à Genève, qui s’inscrit en supplément des impôts directs frappant les entreprises. Dans la perspective de la mise en œuvre de l’imposition minimale de l’OCDE, il convient de rappeler que la TPC n’est ainsi pas un impôt intégré au calcul du taux effectif d'imposition minimale fixé à 15%. Cette taxe contribue à hauteur de quelque 200 millions au budget des communes concernées par son prélèvement. Le contre-projet qui entre en vigueur au 1er janvier 2024 permet d’abolir la taxe professionnelle communale, tout en prévoyant une compensation entière des communes grâce à des centimes additionnels complémentaires générant des recettes fiscales d’un montant équivalent. Il permet aussi de faire en sorte que les 15% d’imposition minimale de l’OCDE incluent l'ensemble des éléments fiscaux payés par les entreprises concernées dans notre canton, y compris la fiscalité communale.
Une problématique particulière aux entrepreneurs est celle de l’entreprise qui, en tant qu’outil de travail, entre dans le calcul de l’impôt sur la fortune et dont la valeur supposée est déterminée par l’administration. Or, en fonction des cantons, la valeur supposée de l’entreprise est estimée de manière trop importante par le fisc, ce qui est le cas à Genève. L’entrepreneur se retrouve ainsi fortement exposé, voire surexposé à l’impôt sur la fortune. Le Conseil d’Etat a déposé en juin 2023 auprès du Grand Conseil un projet qui prévoit d'introduire un tarif d'imposition réduit pour les titres non cotés, limité à l'outil de travail des contribuables qui sont entrepreneuses et entrepreneurs actionnaires. Le Grand Conseil a adopté ce projet en janvier 2024. Un référendum a été lancé contre cette proposition.
Le 3 mars 2024, la population genevoise sera appelée aux urnes pour se prononcer sur l’initiative 178 «Pour la réduction de l’impôt sur les véhicules», qui demande la diminution de moitié de l’impôt auto payé par les Genevois, et sur son contre-projet qui propose pour sa part une refonte de l’impôt auto, neutre fiscalement et en fonction de critères respectueux de l’environnement.
Enfin, l’initiative populaire cantonale 187 «J’y vis, j’y paie» a été refusée par le Grand Conseil qui a adopté le principe d’un contre-projet. Elle supprime le principe de l’imposition du revenu du travail par la commune où est exercée l’activité lucrative et attribue cette compétence à la seule commune de domicile.  Cette initiative supprime également la part privilégiée attribuée à la commune du domicile qui, de fait, devient inutile. Ce projet implique de grandes conséquences en matière de répartition des ressources (péréquation) que l’initiative ne traite pas.

Les priorités de la FER Genève

  • Assurer la compétitivité de la place économique suisse et genevoise, notamment dans le contexte de la mise en œuvre des réformes au niveau de l’imposition internationale des entreprises.

  • S’engager pour une fiscalité cantonale attractive, tant pour les personnes physiques que morales. Il s’agit notamment d’encourager l’esprit d’entreprise en allégeant l’imposition de l’outil de travail.

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