Les enjeux
La place économique suisse a besoin d’un système fiscal attractif qu’il faut adapter régulièrement au vu de l’évolution du contexte international. Au plan genevois, des améliorations significatives sont intervenues, mais des efforts peuvent encore être envisagés au niveau de l’imposition des entrepreneurs.
1) Niveau international
Réforme fiscale - Organisation de coopération et de développement économique OCDE
Une réforme majeure du système fiscal international est mise en œuvre sous l’impulsion de l’OCDE et du G20. Plus de 140 États, dont la Suisse, se sont engagés en octobre 2021 à prélever un impôt d’au moins 15 % sur le bénéfice des grands groupes d’entreprises actifs sur le plan international qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros. Pour la Suisse, qui accueille de nombreuses entreprises internationales, l’enjeu est de conserver les recettes fiscales supplémentaires générées par cette imposition et de protéger les entreprises de procédures et de taxations supplémentaires à l’étranger.
Suite à un vote populaire, l’imposition minimale a été introduite en Suisse au 1er janvier 2024 au moyen de l’impôt complémentaire national. Le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de l’impôt complémentaire international, basé sur la règle d’inclusion du revenu, au 1er janvier 2025. Ce mécanisme permet en particulier d’assurer l’imposition minimale (auprès de la société mère ultime ou d’une holding intermédiaire) de toutes les entités étrangères constitutives d’un groupe d’entreprises qui ne sont pas imposées au taux minimal de 15 % à l’étranger. Sur cette question, il est important que la Suisse avance au même rythme que l’Union européenne et ses principaux partenaires, pour ne pas pénaliser son économie intérieure.
Comme le projet de l’OCDE pose de nouveaux défis en matière de promotion de la place économique, les ressources supplémentaires amenées par la hausse d’impôts devront être utilisées prioritairement pour maintenir l'attractivité de la place économique suisse.
2) Niveau fédéral
Initiative populaire «Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir)»
L’initiative populaire des jeunes socialistes demande l’introduction d’un impôt fédéral sur les successions et les donations qui serait perçu sur les montants dépassant une franchise unique de 50 millions de francs, à un taux de 50%. Le produit de cet impôt, qui reviendrait pour deux tiers à la Confédération et pour un tiers aux cantons, serait utilisé pour «lutter contre la crise climatique de manière socialement juste» et pour «permettre la transformation de l’ensemble de l’économie nécessaire à cet objectif».
L’initiative prévoit, au mépris des règles de transparence et d'anticipation, la rétroactivité de l’impôt aux successions et donations survenues après l’acceptation en votation populaire mais avant l’entrée en vigueur des dispositions d’exécution et des mesures pour prévenir l’évitement fiscal.
Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative sans lui opposer de contre-projet direct ou indirect. Il précise que la mise en œuvre devra être conforme au droit international et à la Constitution. Il exclut l’introduction d’un impôt de départ, puisqu’une personne peut choisir de quitter le pays pour d’autres raisons que d’éviter l’imposition.
L’impôt sur les successions et les donations bousculerait l'équilibre de souveraineté fiscale en Suisse. La compétence de la perception des droits de succession et donation a toujours été laissée aux cantons, la Confédération conservant le droit, exclusif ou partagé, de prélever les impôts directs sur le revenu et les bénéfices ainsi que les impôts indirects (impôt anticipé, TVA, droit de timbre démission, droit de timbre de négociation).
Il rendrait la Suisse moins attrayante en tant que pays de résidence pour les personnes très fortunées.
Ces dernières sont aujourd’hui déjà soumises dans les cantons et les communes à un impôt sur la fortune qui rapporte environ 9 milliards de francs par an. Parmi les pays de l’OCDE, seuls deux autres États connaissent un impôt sur la fortune. Par ailleurs, les deux tiers du produit de l’impôt fédéral direct sont aujourd’hui générés par les quelque 5 % de contribuables les plus aisés. Il est possible que des personnes potentiellement concernées décident de quitter la Suisse ou renoncent à s’y installer.
Surtout, cette initiative menace des entreprises familiales suisses transmises de génération en génération. Lorsque le patrimoine touché par le nouvel impôt est lié à une entreprise, il existe en effet un risque que l’entreprise doive être vendue, en tout ou en partie, pour payer les droits de succession, au risque de sacrifier des emplois. L’initiative est ainsi particulièrement défavorable aux entreprises suisses.
Réforme de l’imposition du couple marié
L’initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l’état civil (initiative pour des impôts équitables)» et son contre-projet indirect (loi fédérale sur l’imposition individuelle) sont en débat au parlement. Le projet de loi sur l’imposition individuelle vise à corriger la situation actuelle en matière d'impôt fédéral direct qui peut soumettre les couples mariés à une imposition plus forte que les couples concubins.
Il prévoit les mesures suivantes: les couples mariés seront imposés comme les couples non mariés et rempliront deux déclarations d’impôt distinctes; le montant de la déduction pour enfants en matière d’impôt fédéral direct sera porté à 12 000 francs par enfant; si le projet ne prévoit aucune déduction spéciale pour les ménages ne comptant qu’un adulte ou pour les couples mariés ne disposant que d’un revenu ou d’un revenu principal et d’un revenu secondaire faible, il prévoit un ajustement du barème fiscal. Ainsi, les taux d’imposition seront réduits pour les bas et moyens revenus et légèrement augmentés pour les très hauts revenus.
Le Conseil fédéral s’attend à une diminution des recettes de l’impôt fédéral direct de l’ordre d’un milliard de francs par année (chiffre basé sur l’année fiscale 2024). Les cantons, qui ont pour la plupart déjà organisé leurs barèmes d'imposition et les déductions sociales pour éliminer la discrimination fiscale entre époux et concubins au niveau cantonal et communal, devront aussi intégrer l’imposition individuelle dans leurs bases légales. Les conséquences financières dépendront de la manière dont ils transposeront cette réforme.
Si l’imposition individuelle a pour objectif de favoriser une hausse de la participation des femmes au marché du travail, cette réforme implique de prendre en considération plusieurs questions concernant la charge administrative, l’impact sur les cantons (recettes fiscales, charges administratives) ou d’éventuelles nouvelles inégalités fiscales.
Imposition des travailleurs transfrontaliers
Il est essentiel de régler durablement la question de l’imposition du télétravail transfrontalier. L’avenant du 27 juin 2023 à la convention bilatérale contre les doubles impositions, qui répond à ce besoin, pourra entrer en vigueur une fois la procédure d’approbation terminée côté français.
En attendant, un nouvel accord amiable entre la Suisse et la France a été conclu le 17 décembre 2024. Il prolonge jusqu’au 31 décembre 2025 la validité de l’accord transitoire du 22 décembre 2022, qui permet le télétravail transfrontalier jusqu’à 40% du temps de travail annuel sans entraîner de répartitions fiscales internationales.
3) Niveau cantonal
Initiative 187 – Péréquation intercommunale
L’initiative populaire cantonale 187 «J’y vis, j’y paie» a été refusée par le Grand Conseil qui a adopté un contre-projet. Ils seront soumis tous les deux au vote populaire. L’initiative supprime le principe de l’imposition du revenu du travail par la commune où est exercée l’activité lucrative et attribue cette compétence à la seule commune de domicile ; elle supprime également la part privilégiée attribuée à la commune du domicile. Ce projet implique des conséquences en matière de répartition des ressources (péréquation) que l’initiative ne traite pas.
Le contre-projet reprend le principe de l’imposition au lieu de domicile en prévoyant que soient mis en place des mécanismes péréquatifs qui prennent en compte le rôle des pôles urbains, le développement des logements, les infrastructures publiques, la structure de la population, les entreprises et les mesures environnementales.
Le système de péréquation fiscale à Genève (répartition des ressources entre le canton et les communes) se distingue par sa complexité, qui le rend peu compréhensible. L'initiative 187 et son contreprojet conduisent à une réflexion sur la nécessité de repenser le système, une refonte nécessaire à laquelle la FER Genève et les autres organisations économiques devront être des participants actifs.
Outil de travail
Une problématique particulière aux entrepreneurs est celle de l’entreprise qui, en tant qu’outil de travail, entre dans le calcul de l’impôt sur la fortune et dont la valeur supposée est déterminée par l’administration. Or la valeur supposée de l’entreprise est estimée de manière trop importante par le fisc genevois. L’entrepreneur se retrouve ainsi fortement exposé, voire surexposé à l’impôt sur la fortune. Suite à un référendum, la population genevoise a refusé en septembre 2024 un projet du Conseil d’Etat qui visait à introduire un tarif d'imposition réduit pour les titres non cotés, limité toutefois à l'outil de travail des contribuables qui sont entrepreneuses et entrepreneurs actionnaires.
Bien que la réduction d'impôt sur la fortune évoquée ci-dessous (LEFI) contribue au renforcement des conditions cadre, une attention particulière devrait être portée à ces PME qui sont pourvoyeuses d'une très large part de l'emploi dans le canton.
Changements législatifs 2025
Impôt sur la fortune – Loi sur les estimations fiscales de certains immeubles
Au niveau cantonal, la loi sur les estimations fiscales de certains immeubles (LEFI), qui a été initiée et portée par la FER Genève, est entrée en vigueur au 1er janvier 2025. Alors que Genève pratiquait des hausses linéaires périodiques de la valeur fiscale des immeubles occupés par leurs propriétaires, cette valeur sera dorénavant indexée systématiquement chaque année à l’indice genevois des prix à la consommation, l’indexation ne pouvant toutefois pas excéder 1% par an.
La loi comprend aussi une diminution de l’impôt immobilier complémentaire. Elle s’accompagne d’une hausse raisonnable de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers.
De plus, cette loi introduit une baisse de 15% de l'impôt sur la fortune de tous les contribuables soumis à cette imposition. Elle est le résultat des efforts fournis par la FER Genève pour défendre les intérêts de ses membres et de l'économie genevoise, en particulier les PME.
Impôt sur le revenu
L’attractivité du canton se renforce aussi avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2025 d’une modification de la loi sur l’imposition des personnes physiques. Le nouveau barème diminue l’impôt cantonal et communal sur le revenu de 8,7% en moyenne. Par comparaison intercantonale, le canton de Genève se classe, de manière générale, parmi les cantons dont le taux de l’impôt cantonal et communal sur le revenu est le plus bas pour les revenus modestes. La situation change pour la classe moyenne et les hauts revenus, le taux d'imposition étant souvent le plus élevé de Suisse. La révision de la LIPP apporte ainsi une bouffée d’air aux contribuables concernés.
Les priorités de la FER Genève
Assurer la compétitivité de la place économique suisse, dans le contexte de la mise en œuvre des réformes au niveau de l’imposition internationale des entreprises.
S’engager pour une fiscalité cantonale attractive en comparaison intercantonale.
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