Le dilemme de l’abri de bus
En résumé
Analyser les raisons d’un succès pour comprendre ce qui marche le mieux.
La crise que nous traversons permet de revenir sur certains principes de bonne gestion stratégique. Rappelons-nous. Il y a quelques mois, la pandémie gagnait du terrain. Chaque jour, le bilan s’aggravait. Les courbes s’envolaient et, avec elles, l’espoir d’un retour à la normale. Ce fut le stop and go: confinement, déconfinement, reconfinement!
Cette manière de faire se heurte au principe suivant: pour changer les résultats, il vaut mieux changer de stratégie. Dit autrement, pourquoi vouloir que les résultats changent si la stratégie ne change pas?
Parallèlement, une autre question se pose: dupliquer une stratégie qui ne marche pas, est-ce persister ou s’entêter?
La parabole de l’abri de bus illustre bien ce dilemme. J’attends le bus qui doit me mener à la gare distante de dix minutes en marchant. Le bus n’arrive pas. Dois-je persister et attendre le bus ou me mettre en marche? Souvent, quand on se met en marche, le bus nous dépasse quelques minutes plus tard. Si on persiste à l’attendre, il arrive trop tard et on rate son train.
Curieusement, un problème semblable peut se poser quand on a du succès avec une stratégie. Inévitablement, une petite voix vient murmurer à notre oreille l’adage «on ne change pas une équipe qui gagne». Cette expression si souvent entendue est probablement remplie de sagesse et de bon sens. Elle ouvre la voie à la stratégie la plus simple: on prend les mêmes et on recommence! Avant de nous laisser entraîner vers cette évidence toute naturelle, posons-nous quelques questions.
Si nous appliquons ce principe, nous allons attendre les difficultés, les problèmes ou le pire pour changer de stratégie et d’équipe. Nous allons faire les changements en position de faiblesse. L’avantage? Des changements plus aisés, puisque le feu sera dans la maison. L’inconvénient? Moins de ressources et de moyens pour opérer les changements, car nous serons en difficulté. On peut donc en conclure, paradoxalement, que le succès est l’un des principaux freins au changement.
Dans la pratique, on constate qu’on analyse souvent les raisons d’un échec, beaucoup plus rarement celles d’un succès. Or, les conditions d’un nouveau succès d’avenir ne seront plus forcément les mêmes. «On ne se baigne jamais deux fois dans la même eau du fleuve», dit le proverbe. C’est là que le benchmarking peut nous servir. De quoi s’agit-il? De s'inspirer d'une manière continue de ce que font les autres (les meilleurs, bien évidemment), d’aller voir comment font ceux qui obtiennent de meilleurs résultats que nous.
Trop souvent, le benchmarking se limite à comparer des indicateurs. Le vrai benchmarking consiste à détecter ce que les autres font pour obtenir ces meilleurs indicateurs, donc souvent à analyser des processus. On résume souvent cette technique par best practices. Pour bien l’utiliser, deux prérequis sont nécessaires: la volonté d’apprendre et l’humilité d’accepter que d’autres font mieux. Cette dernière capacité - l’humilité - ne court malheureusement pas les rues!